- L’envolée des actions et la baisse des rendements obligataires à long terme depuis le début de l’année suggèrent que les investisseurs adhèrent à la notion de « désinflation immaculée », selon laquelle la baisse de l’inflation serait indolore pour la croissance en 2023. Ces mouvements du marché sont également susceptibles de refléter le sentiment que les banques centrales ont achevé leur mission de lutte contre l’inflation. Notre scénario de base est plus prudent.
- Nous sommes neutres à l’égard des actions, la « désinflation immaculée » pouvant devenir problématique pour les marges si le coût des biens vendus ne ralentit pas aussi vite que les ventes (ou augmente plus rapidement que les revenus). Cela pourrait entraîner une baisse supplémentaire des estimations de bénéfices, en particulier en Europe, où elles semblent trop optimistes par rapport aux dernières données macroéconomiques.
- Nous sommes globalement neutres au sein de nos portefeuilles multi-actifs. Les actions européennes sont notre principale (et significative) position courte, que nous compensons par des positions longues sur les actions américaines et émergentes.
- Le redémarrage de l’économie chinoise nous a conduits à accroître notre allocation aux actions des marchés émergents. Les valorisations semblent désormais attractives et après une longue période de révisions à la baisse des bénéfices, nous anticipons une dynamique plus positive à partir de maintenant. L’Asie émergente et les pays exportateurs de matières premières devraient notamment bénéficier de la réouverture.
- Nous avons ajouté une modeste position longue sur le yen japonais par rapport à l’euro. Cette opération devrait bénéficier de la volonté de la Banque du Japon de renoncer au contrôle de la courbe des taux. Nous pensons que le yen présente des valorisations attractives et peut couvrir le positionnement actuel du portefeuille.
- Nous continuons de privilégier le crédit Investment Grade européen, dont les spreads se sont encore resserrés par rapport à la période où nous avons constitué nos positions (141 pb aujourd’hui contre 228 pb). Nous privilégions également les matières premières.
Un (trop) bon départ
Les marchés se sont globalement bien comportés en janvier, poursuivant ainsi le rebond entamé à la fin de l’année dernière. Les actions ont clôturé en forte hausse le dernier jour du mois, prolongeant le rebond à l’approche du dernier communiqué de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine et venant couronner un mois de gains solides.
L’Europe a notamment connu son meilleur début d’année depuis 2015, les moyennes et petites capitalisations ayant surperformé les grandes capitalisations. L’ensemble des secteurs et des facteurs ont clôturé le mois de janvier dans le vert, les biens de consommation cyclique constituant le secteur le plus performant et la valorisation le facteur le plus porteur. Les titres obligataires européens ont eux aussi commencé 2023 sur les chapeaux de roue, de nombreux indices obligataires ayant progressé.
L’envolée des actions et la baisse des rendements obligataires à long terme suggèrent que les investisseurs adhèrent à la notion de « désinflation immaculée », selon laquelle la baisse de l’inflation serait indolore pour la croissance en 2023. Ces mouvements du marché sont également susceptibles de refléter le sentiment que les banques centrales ont achevé leur mission de lutte contre l’inflation. Selon nous, ce scénario pose problème en Europe, où les prévisions de bénéfices des analystes sont encore en état de « coma artificiel » (c’est-à-dire que les projections de flux de trésorerie semblent beaucoup trop élevées) alors que les prévisions concernant le niveau des taux d’actualisation semblent trop faibles. Les flux de trésorerie et les taux d’actualisation sont appelés à évoluer dans des directions opposées selon nous.
Récession et découplage
Les températures hivernales exceptionnellement douces et l’effondrement récent des prix du gaz ont permis à la zone euro d’éviter une forte dégradation des conditions commerciales, atténuant ainsi les effets de la crise énergétique. Notre équipe de recherche macroéconomique a révisé à la hausse ses estimations pour la croissance du T4 2022 et du T1 2023, mais estime également que la récession n’a été que reportée et non évitée. Cela ne se reflète pas dans les estimations des analystes bottom-up. Celles-ci sont restées à la fois positives et élevées dans leurs fourchettes.
Il est frappant pour nous de constater à quel point les attentes en matière de bénéfices par action (BPA) aux États-Unis se sont affaiblies plus fortement et plus rapidement que celles de leurs homologues européens (notre point de vue : privilégier les actions américaines au détriment des actions européennes). Les estimations de croissance des bénéfices pour l’ensemble de l’année aux États-Unis sont restées faibles. Les analystes ont déjà fortement revu à la baisse leurs attentes en glissement trimestriel. Fin septembre, les prévisions tablaient sur une croissance des bénéfices de 7 % en glissement annuel au premier semestre 2023. Ce chiffre est maintenant de -1 %, ce qui est conforme aux attentes consensuelles qui prévoient un creux d’activité au deuxième trimestre.
Comme toujours, le critère essentiel pour les investisseurs en actions est de savoir si les estimations de croissance des bénéfices sont réalistes. Compte tenu des révisions négatives que nous avons connues, ces estimations sont manifestement bien plus réalistes qu’elles ne l’étaient il y a quelques mois aux États-Unis (cf. graphique 2) Les estimations de bénéfices pour l’Europe semblent encore trop optimistes par rapport aux dernières données macroéconomiques, même si la relation n’est pas toujours uniforme (cf. graphique 3). En revanche, les estimations de BPA pour les actions des marchés émergents ont été nettement revues à la baisse, même si elles sont conformes aux anticipations de faible rentabilité des capitaux propres (notre point de vue : « privilégier » l’Asie émergente).
En Europe, la poursuite du resserrement de la politique monétaire par la BCE reste un risque important. Notre équipe de recherche macroéconomique s’attend à ce que la BCE suive ses dernières orientations et que le taux de dépôt finisse par atteindre 3,5 % d’ici le milieu de l’année. Certes, il existe une différence notable entre l’inflation aux États-Unis et dans la zone euro. L’inflation sous-jacente (qui exclut l’évolution des coûts de l’énergie et de l’alimentation) diminue aux États-Unis alors qu’elle augmente dans la zone euro. Cela a conduit les membres du conseil des gouverneurs de la BCE à mettre en garde contre le risque d’ancrage d’une forte inflation par des effets de second tour. En d’autres termes, la bonne tenue du marché de l’emploi pourrait entraîner une hausse des salaires.
Le facteur Chine et les actions émergentes
Dans le même temps, les anticipations du marché concernant la croissance en Chine (un indicateur clé pour l’ensemble de la région asiatique et pour les marchés émergents en général) se sont améliorées avec la levée par Pékin de ses lourdes restrictions liées au Covid. La réouverture de l’économie devrait doper l’activité, y compris les déplacements et la consommation, une fois la pandémie terminée. Le soutien apporté par les pouvoirs publics à un marché de l’immobilier en difficulté, plongé dans la crise suite aux mesures répressives prises par Pékin, devrait contribuer à stimuler la croissance à mesure que la confiance des consommateurs se rétablit.
La possibilité d’une désynchronisation de la croissance économique mondiale existe désormais. Notre équipe de recherche macroéconomique juge ce scénario moins probable au sein des marchés développés, mais davantage entre marchés émergents et développés, la réouverture de la Chine changeant clairement la donne. L’équipe note que la plupart des modèles économiques sous-estiment l’influence de la Chine sur d’autres économies, mais souligne qu’elle a un impact significatif sur les conditions financières et la confiance des entreprises.
Les bonnes nouvelles en provenance de Chine ont amélioré nos perspectives concernant les actions des marchés émergents de manière plus générale et nous avons récemment renforcé notre exposition. Plusieurs raisons expliquent ce changement :
- Les signes d’amélioration de la croissance mondiale se multiplient, ce qui devrait soutenir les bénéfices sur les marchés émergents. Jusqu’à présent, les révisions ont été négatives et ont peut-être atteint un creux. Nous pensons que le potentiel de révisions positives est élevé, notamment par rapport à l’Europe.
- La dynamique de réouverture de la Chine devrait soutenir non seulement les actions du pays, mais aussi celles de l’Asie émergente et des pays d’Amérique latine exportateurs de matières premières.
- Le cycle des semi-conducteurs semble avoir atteint ou être proche d’un point bas, ce qui devrait bénéficier à un secteur fortement pondéré dans les indices actions des marchés émergents.
- L’orientation de la politique monétaire évolue favorablement sur les marchés développés et émergents. La Fed a livré un message globalement équilibré lors de sa dernière réunion de politique monétaire. Parallèlement, la Chine continue de soutenir l’économie. Le niveau de liquidité excédentaire s’améliore (si l’on considère la croissance du ratio M1/PIB nominal, qui tire les actions en particulier). Plus généralement, la baisse des taux réels sur les marchés émergents par rapport à ceux des marchés développés est également favorable, de même que l’impact considérable de la baisse des prix de l’alimentation et de l’énergie sur l’inflation des marchés émergents compte tenu de son poids dans les paniers de biens, et l’affaiblissement du dollar américain.
- Les valorisations des actions des pays émergents semblent attrayantes à l’heure actuelle et ressortent favorablement de nos travaux de recherche en la matière, notamment par rapport à l’Europe (qui constitue notre position courte par rapport à cette position). Même après le rebond de cette année, le ratio cours/bénéfices à 12 mois d’un indice des technologies et des grandes entreprises chinoises reste à son plus bas niveau depuis 16 ans par rapport à l’indice MSCI ACWI (il serait encore plus bas si les estimations de bénéfices des actions chinoises étaient actuellement sous-estimées, comme nous le pensons). Notre indicateur global des ratios cours/bénéfices, cours/valeur comptable, rendement du dividende et cours/ventes est de 0,5 écart-type inférieur à celui des marchés développés au cours des 10 dernières années.
Abandon de la neutralité sur le yen
Nous avons adopté une modeste position longue sur le yen japonais (JPY) par rapport à l’euro (voir nos points de vue sur les classes d’actifs ci-dessous). Cette opération devrait bénéficier de la vigueur du yen alors que la Banque du Japon envisage de renoncer au contrôle de la courbe des taux. Dans la mesure où la paire EUR/JPY évolue au sommet d’une fourchette pluriannuelle, nous estimons que le yen présente une valorisation attrayante à long terme.
Nous nous attendons à ce que le marché teste à nouveau la BdJ sur sa politique de maintien d’un plafonnement des rendements obligataires à 10 ans, alors même que l’inflation japonaise augmente. Nous pensons qu’elle adoptera un ton plus ferme, lequel devrait profiter au yen. L’euro, en revanche, semble être valorisé selon un scénario positif que nous jugeons irréaliste cette année (stabilité économique plutôt que récession et sortie sans problème de la crise énergétique, alors même que la guerre en Ukraine se poursuit). Le marché est devenu plus optimiste, estimant qu’il sera moins nécessaire pour la BCE de relever ses taux pour lutter contre l’inflation. Comme nous l’avons dit ci-dessus, nous ne partageons pas cette opinion. Le fait d’être long JPY contre l’EUR peut également être considéré comme une couverture opportuniste.
* Appétit pour le risque/retour au risque – Données au 3 février 2023. Les opinions reflètent celles du Comité d’investissement de l’équipe Multi-Asset de MAQS. D’autres opérations spécifiques/tactiques sont susceptibles d’être mises en œuvre en complément.
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