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PERSPECTIVES D'INVESTISSEMENT | ARTICLE – 9 Min

Jeter le bébé avec l’eau du bain ? Faut-il s’affranchir du portefeuille 60-40 ?

Daniel Morris
By KOYE SOMEFUN, DANIEL MORRIS 30.11.2022

Dans cet article

    Le désespoir exprimé par les gérants de portefeuilles multi-actifs reflète la corrélation positive observée entre les actions et les obligations cette année et la perte de diversification des portefeuilles.   

    Il faut le reconnaître, les corrélations ont été exceptionnellement élevées, voire même proches de 100 % (cf. Graphique 1). Mais d’une certaine manière, ces plaintes relatives au niveau élevé des corrélations dénaturent le vrai problème. Ce n’est pas la première fois que les corrélations sont aussi élevées, puisqu’elles étaient fréquemment supérieures à 80 % dans les années 1980 et 1990.

    Ce qui est inquiétant dans l’environnement actuel, c’est que les corrélations sont élevées mais que les performances des actions et des obligations sont négatives. Auparavant, elles étaient positives. Les corrélations positives avaient suscité moins de réactions négatives dans les années 1980 et 1990.

    En fait, le problème, ce ne sont même pas les performances négatives des actions. La Réserve fédérale américaine a augmenté les taux d’intérêt et la plupart des investisseurs s’inquiètent désormais d’une récession ; ces performances négatives ne sont donc pas du tout surprenantes. Ce qui est inhabituel, c’est la situation des obligations investment grade américaines. Cette classe d’actifs a en effet enregistré sa plus longue période de performances négatives depuis la création de l’indice Bloomberg Barclays US Aggregate. Au cours des 12 derniers mois, sa performance a été de -14 %, avec une baisse en glissement annuel lors de chaque mois. La série temporelle précédente la plus négative remonte à 1980 (-9,2 % en glissement annuel) et elle n’avait duré que trois mois.

    Cette année, la fin largement anticipée du marché haussier des obligations – qui a duré plus de 50 ans – a été au centre de l’attention des investisseurs. Sans la pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine, l’inflation aurait pu rester atone et les taux d’intérêt bas, mais les banques centrales doivent désormais éteindre la flambée d’inflation.

    Le portefeuille 60-40 : toujours à la hauteur des attentes ?

    Compte tenu de la faiblesse de leurs performances annuelles, peut-on dire que les portefeuilles diversifiés/multi-actifs classiques, composés de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations, ne sont plus adaptés au contexte actuel ? Cette stratégie d’allocation d’actifs, relativement simple, ne reflète pas la manière dont les investisseurs institutionnels construisent réellement leurs portefeuilles. Nous recommandons pour notre part des allocations non seulement aux devises via des investissements directs, mais aussi aux actifs alternatifs tels que l’immobilier, les obligations convertibles et les matières premières. Nous avons récemment publié une note de recherche sur l’intégration des investissements thématiques dans les portefeuilles et sur le rôle croissant de la dette privée et du private equity.

    Les allocations aux actions et aux obligations représentent toutefois la majeure partie de la plupart des portefeuilles et ont un impact direct sur les performances ajustées du risque. Cette répartition 60-40 par défaut n’est qu’une règle théorique mais, historiquement, elle a généré une performance positive et un ratio de Sharpe élevé (cf. Graphique 2).

    La performance de ce type de portefeuille varie inévitablement dans le temps, en fonction de la croissance et des taux d’intérêt. Cette année, les performances sont médiocres, mais les investisseurs peuvent se consoler en se disant qu’ils ont connu des périodes encore pires (cf. Graphique 3).

    Une question se pose désormais : s’agit-il simplement d’un nouvel épisode bref de performances inférieures à la moyenne ou est-ce que la corrélation entre actions et obligations, et leurs perspectives, a radicalement changé et impose désormais une allocation d’actifs définitivement différente.

    Nous penchons pour le premier scénario. Les rendements réels ont fortement rebondi au cours de l’année écoulée et ont renoué avec les sommets atteints après la crise financière mondiale (cf. Graphique 4). Ils restent toutefois inférieurs à ceux d’avant la crise financière mondiale et leur niveau à long terme fait débat. La diminution progressive des bilans des banques centrales – seule la Fed a entamé le processus – va probablement faire augmenter les taux, mais ce processus s’étalera selon nous sur une dizaine d’années, à l’opposé de l’ajustement brutal observé cette année. En outre, comme les bilans des banques centrales ne retrouveront peut-être jamais leurs niveaux d’avant la crise financière mondiale et que les taux de croissance sont plus faibles, les taux réels pourraient ne jamais renouer avec leurs niveaux d’antan.

    Nous pensons que les rendements obligataires nominaux vont évoluer dans une fourchette allant de 3 à 4 % dans les années à venir (en dehors des périodes de récession) et anticipons un retour de la corrélation historique entre actions et obligations.

    Cette année de transition a clairement été difficile et a poussé les gérants à réduire leurs allocations aux actions et aux obligations et à accroître celles aux actifs alternatifs et aux devises. Toutefois, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Un portefeuille bien diversifié, avec des allocations classiques aux actions et aux obligations, continuera probablement à procurer aux investisseurs institutionnels les performances ajustées du risque les plus élevées.

    Construire un portefeuille diversifié

    Pour les fonds de pension à prestations définies, un portefeuille composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations est probablement une option trop simple. L’idée est plutôt d’avoir d’intégrer dans le portefeuille environ 60% de risque actions et 40 % de risque obligataire sur la base de la duration. Au sein de ces poches d’actifs, le potentiel de diversification de l’exposition est très important. Pour la construction effective du portefeuille, la moyenne-variance, avec toutes ses limites, reste souvent la solution par défaut. L’une de ses principales faiblesses reste la sensibilité du portefeuille optimal aux moindres perturbations des données. Un processus d’optimisation robuste peut remédier à cette lacune, en tenant compte de l’incertitude de la performance attendue. Le document intitulé « A Practical Guide to Robust Portfolio Optimization », rédigé par notre pôle de Recherche quantitative, présente cette approche en détail. Nous voulons ici insister sur un point essentiel : un portefeuille bien diversifié passe par une méthodologie pertinente de construction de portefeuille.

    L’allocation d’un portefeuille composé d’environ 60 % de risque actions et 40 % de risque obligataire (duration) peut fluctuer sur la durée (cf. Graphique 5). Le profil de risque d’un tel portefeuille est similaire à celui d’un portefeuille 60/40, mais avec une certaine marge de manœuvre pour s’écarter d’une répartition stricte 60/40. Le processus de construction utilise une méthode d’optimisation robuste (cf. ci-dessus) s’appuyant sur le profil risque/performance sur des périodes glissantes de cinq ans.

    Actifs privés

    En règle générale, la diversification reflète l’exposition à différentes classes d’actifs, régions et styles de gestion. Les investissements dans des actifs privés peuvent renforcer le profil de diversification d’un portefeuille : ils peuvent en effet améliorer les performances grâce à une prime d’illiquidité et réduire le risque grâce à la diversification et à une moindre exposition à la volatilité à court terme des marchés publics. Les actifs privés devraient d’ailleurs jouer un rôle croissant dans le domaine de l’investissement durable.

    Mais tout investissement dans des actifs privés comporte des risques. Les fonds d’actifs privés imposent généralement investissements minimum, qui est souvent trop élevé pour les petits investisseurs. Et même s’ils pouvaient se le permettre, ce type d’investissement n’est pas aussi simple que d’investir dans des classes d’actifs cotées. En raison de la nature illiquide des actifs privés, les investisseurs sont tenus de bloquer leurs capitaux pendant plusieurs années. Tous les capitaux n’étant pas investis immédiatement, les investisseurs doivent, au fil du temps, gérer les flux de trésorerie découlant des appels de fonds et des distributions de la poche exposée à un fonds d’actifs privés. Les gérants de fonds d’actifs privés peuvent effectuer des appels de fonds lors des premières années du cycle de vie du fonds, à mesure qu’ils identifient des investissements appropriés. De même, ils ont tendance à distribuer le capital à mesure que les investissements arrivent à maturité et sont cédés.

    Autre difficulté, le fait que les performances obtenues sur le total du capital engagé dans un seul fonds d’actifs privés peuvent être inférieures aux taux de rendement interne (TRI) annoncés en raison de l’effet de dilution. En effet, si le TRI annoncé par les gestionnaires d’actifs privés est souvent attractif, tous les capitaux engagés ne sont pas investis immédiatement ou pendant toute la période de blocage. Pour générer des performances attractives sur le capital engagé dans ce type d’investissement, il est nécessaire d’adopter une stratégie capable de gérer les flux de trésorerie et les investissements dans plusieurs fonds d’actifs privés dont les échéances sont étalées dans le temps.

    Une allocation aux actifs privés dans des fonds ouverts peut par exemple proposer une stratégie articulée autour d’un fonds ouvert, qui investit à la fois dans des classes d’actifs privées et publiques. Pour obtenir des performances proches des TRI des fonds d’actifs privés, la stratégie investit chaque année dans les millésimes les plus récents des fonds d’actifs privés et gère scrupuleusement les appels de fonds et les distributions dans le temps. La stratégie estime le montant optimal de capital à engager chaque année dans les nouveaux millésimes afin que l’allocation du portefeuille au capital investi dans tous les fonds d’actifs privés, c’est-à-dire le capital déployé par les gestionnaires d’actifs privés, reste constante dans le temps et conforme à l’allocation cible prédéterminée. Pour estimer le montant du capital à engager chaque année, la stratégie s’appuie sur les appels de fonds et les distributions attendus calculés à partir des différents millésimes de fonds d’actifs privés du portefeuille, ainsi que le TRI attendu des fonds et les performances attendues des classes d’actifs publiques.

    Investissement thématique

    Cette approche peut donner une dimension plus prospective à un portefeuille. Les thèmes reflètent des tendances structurelles censées avoir un impact significatif sur les économies et redéfinir les modèles économiques. En toute logique, on peut donc s’attendre à ce que ces thèmes influencent les profils rendement/risque des actifs les plus exposés à ces tendances structurelles. Toutefois, les thèmes n’ont pas tous la même importance et la gestion thématique ne se limite pas à une simple opportunité attractive. L’objectif de la gestion thématique est d’identifier les actifs dont les performances seront affectées par les évolutions structurelles qui sous-tendent tel ou tel thème. Ces évolutions sont le fruit de diverses mégatendances qui façonnent la société : les tendances démographiques, les changements sociétaux ou comportementaux, les impacts environnementaux, la raréfaction des ressources, les déséquilibres économiques, les transferts de pouvoir, les progrès technologiques ou encore les évolutions réglementaires et politiques. L’objectif de la gestion thématique est de transformer ces mégatendances en opportunités d’investissement exploitables.

    Construire un portefeuille bien diversifié ne consiste pas simplement à exploiter aveuglément diverses sources de performance faiblement corrélées. L’objectif d’un portefeuille est d’être bien positionné pour être en mesure d’exploiter les opportunités futures. Le positionnement du portefeuille doit être « prospectif », c’est-à-dire tourné vers l’avenir. Mais cela est plus facile à dire qu’à faire.

    Savoir allouer du capital à différentes thématiques exige une certaine discipline, car la gestion thématique n’est pas exposée seulement à un thème unique, mais aussi aux facteurs de risque traditionnels. Dans notre note de recherche intitulée « Allocating to thematic investments », nous présentons une approche reposant sur un processus d’optimisation robuste qui tient compte de la surperformance attendue de l’exposition au thème visé et des expositions aux facteurs de risque traditionnels. [1] Ce cadre d’analyse offre une solution crédible aux problèmes inhérents à une allocation simultanée aux actifs traditionnels et aux investissements thématiques au sein d’un seul et même portefeuille. Ce document décrit la mise en œuvre de ce cadre d’analyse à l’aide d’un exemple allant au-delà d’une allocation aux actions et qui couvre également les investissements thématiques dans l’univers obligataire.

    Stratégies de protection

    Les portefeuilles bien conçus peuvent, eux aussi, connaître de fortes variations de prix. Pour résister aux tempêtes qui agitent les marchés, les investisseurs peuvent aussi choisir des stratégies de protection. Celles-ci ont tendance à réduire les anticipations de performance à long terme. Cependant, leurs caractéristiques dynamiques peuvent minimiser les coûts d’opportunité et peuvent même se traduire par des performances ajustées du risque plus élevées.

    Les stratégies de protection ont généralement deux sous-jacents : les options ou les contrats à terme. Les stratégies à base de contrats à terme protègent les portefeuilles de manière dynamique en réduisant l’exposition aux actifs risqués à mesure que la valeur du portefeuille se rapproche d’un plancher prédéfini. Les stratégies reposant sur des options peuvent être déployées de manière ponctuelle et de manière dynamique, avec une structure de protection régulièrement renouvelée via un nouveau contrat. Elles peuvent être appliqués uniquement aux poches actions ou risquées du portefeuille ou bien à l’ensemble du portefeuille. Notre note de recherche intitulée « Equity risk overlays » décrit en détail les différentes possibilités. [2]

    Références

    [1] « Allocating to Thematic Investments », Financial Analysts Journal 

    [2] Cf. également https://www.bnpparibas-am.lu/professional-investor/blog/equity-risk-overlays-departing-from-tradition-embracing-innovation-en/ 

    Avertissement

    Veuillez noter que les articles peuvent contenir des termes techniques. Pour cette raison, ils peuvent ne pas convenir aux lecteurs qui n'ont pas d'expérience professionnelle en matière d'investissement. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur à la date de la publication, sont fondées sur les informations disponibles et sont susceptibles de changer sans préavis. Les équipes de gestion de portefeuille peuvent avoir des opinions différentes et prendre des décisions d’investissement différentes pour différents clients. Le présent document ne constitue pas un conseil en investissement. La valeur des investissements et les revenus qu’ils génèrent peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse, et les investisseurs sont susceptibles de ne pas récupérer leur investissement initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les investissements sur les marchés émergents ou dans des secteurs spécialisés ou restreints sont susceptibles d'afficher une volatilité supérieure à la moyenne en raison d'un haut degré de concentration, d'incertitudes accrues résultant de la moindre quantité d'informations disponibles, de la moindre liquidité ou d'une plus grande sensibilité aux changements des conditions de marché (conditions sociales, politiques et économiques). Pour cette raison, les services de transactions de portefeuille, de liquidation et de conservation pour le compte de fonds investis sur les marchés émergents peuvent être plus risqués. Les actifs privés sont des opportunités d'investissement qui sont absentes des marchés publics, comme les bourses de valeurs mobilières. Ils permettent aux investisseurs de s’exposer de manière directe à des thèmes d'investissement à long terme et donnent accès à des secteurs ou industries spécialisés, comme les infrastructures, l'immobilier, le private equity et d'autres solutions alternatives difficilement accessibles via des moyens traditionnels. Les actifs privés doivent toutefois faire l’objet d'une approche rigoureuse en raison d'un niveau d'investissement minimum souvent élevé, d’une complexité accrue et d'une forte illiquidité.

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